Auteur : RSBP
Date de publication: 25-11-2020

Le concept d'inclusion financière existe depuis plusieurs années sous l'un ou l'autre nom et avec l'un ou l'autre domaine d'intérêt - micro finance, micro leasing, micro assurance, programmes spéciaux pour soutenir les femmes dans les affaires, programmes spéciaux pour soutenir les jeunes entrepreneurs, programmes pour assurer l'accès au financement pour les pauvres, etc.

Mais que signifie l'inclusion financière et pourquoi est-elle si importante?

La Banque mondiale définit l'inclusion financière comme " ... un moyen pour les individus et les entreprises d’avoir accès à des produits et services financiers utiles et abordables qui répondent à leurs besoins - transactions, paiements, épargne, crédit et assurance le tout fournis de manière responsable et durable." 1

L'existence d'une forme de "compte de transactions" est un premier pas vers une plus grande inclusion financière. Un compte de transactions permet aux gens de garder de l'argent, d'envoyer et de recevoir de l'argent d'une manière plus sûre, plus rapide et plus efficace que de garder de l'argent sous leur oreiller, de courir partout avec un sac d'argent ou de demander à quelqu'un d'autre de transporter de l'argent pour eux.

L'accès à des services financiers pratiques, abordables et sûrs permet d'économiser du temps et des efforts et d'utiliser le temps et les ressources de manière plus productive et plus efficace. La disponibilité de ces services financiers permet également de faire des choses qui ne pouvaient être faites auparavant, comme souscrire une police d'assurance par exemple.

Dans ce contexte, l'inclusion financière a été identifiée comme un outil permettant d'atteindre un certain nombre des objectifs de développement durable des Nations Unies (ONU). Entre autres, l'accès aux services financiers peut favoriser la création d'emplois et la croissance économique, la mise en œuvre de technologies vertes, la réduction des déchets ou l'offre d'une meilleure éducation.2

On estime que, dans le monde, il y a encore 1,7 milliard d'adultes non bancarisés.3 Et, en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises (PME), le Partenariat Mondial pour l'Inclusion Financière estime qu'environ la moitié des 400 millions de PME ont encore des besoins de crédit non satisfaits, soit 180 à 220 millions de PME. Cette demande de crédit s'élève à un montant total entre 2,1 à 2,6 billions de dollars US.4

En bref, servir efficacement la population sous-bancarisée et les PME contribue à renforcer le développement.

Servir les personnes sous-bancarisées présente également d'énormes opportunités commerciales.

Alors, qu'est-ce qui fait obstacle à l'inclusion financière ?

L'inclusion financière est entravée par divers facteurs. Il s'agit notamment de questions liées à l'offre et à la demande. Le tableau ci-dessous présente une liste de problèmes typiques:


Point de vue des prestataires de services financiers

Point de vue des sous-bancarisés, en particulier les PME

Ce groupe de clients n'en vaut pas la peine (potentiel bénéfice trop faible/ d’autres opportunités plus lucratives)

Les services disponibles sont trop chers

S'adresser à ce groupe cible demande beaucoup de travail et de temps

Les services disponibles ne sont pas utiles/ne répondent pas à mes besoins

Ce groupe de clients est trop éloigné et/ou trop dispersé

Les services ne sont pas facilement accessibles (trop loin, trop d'efforts pour y accéder)

Ce groupe de clients ne peut pas satisfaire aux exigences en matière de documentation

Les services sont trop difficiles à comprendre

Ce groupe de clients est difficile à comprendre, n'a pas d'antécédents de crédit/les informations sont insuffisantes

Je ne peux pas satisfaire aux exigences (documentation, garantie) et je ne comprends souvent pas ce que veut l'institution financière (IF)

Ce groupe de clients ne peut pas satisfaire aux exigences de garantie

Les services sont fournis par des sources peu fiables ou inconnues

 

Bien que les facteurs décrits ci-dessus entravent en principe l'inclusion financière, ils sont particulièrement pertinents pour les PME car celles-ci, en raison de leur taille et de leurs besoins de financement comparativement plus importants, appartiennent à une catégorie différente de celle des particuliers ou des micro-entreprises et des (très) petites entreprises (TPE). Les particuliers et les TPE ont tendance à constituer des groupes cibles homogènes. Comme les particuliers, la plupart des TPE ont un profil et des besoins similaires. Par conséquent, il est relativement facile de définir une approche, des procédures et des produits spécifiques pour ces groupes cibles et de les diffuser largement, notamment grâce aux nouvelles technologies.

Dans ce contexte, il convient de noter que des progrès importants ont été réalisés ces dernières années en matière d'inclusion financière, notamment grâce à des innovations techniques qui rendent l'accès et le traitement de vastes quantités de données plus réalisables que par le passé. Au premier rang de ces progrès figurent les nouvelles technologies de communication telles que Smartphones et les outils électroniques de collecte, de gestion, de traitement et d'analyse de grandes quantités de données. Au niveau mondial, le nombre de personnes non bancarisées a diminué, passant de 2 milliards en 2011 à 1,7 milliard en 2017. La part des adultes disposant d'un compte est passée de 51 % à 69 % entre 2011 et 2017 (cela inclut les comptes d'argent mobile) et 54 % des adultes sont considérés comme financièrement résilients (c'est-à-dire qu'ils pourraient mobiliser 1/20 du Revenu National Brut par habitant en un mois). 5

Les nouvelles technologies comme facilitateurs de l'inclusion financière

Les nouvelles technologies jouent évidemment un rôle important dans cette augmentation rapide de l'inclusion. Selon Findex, 65% des 1,7 milliard d'adultes non bancarisés ont un téléphone portable et 25% ont accès à l'internet et à un téléphone portable. Les paiements numériques sont passés de 41 % en 2014 à 52 % en 2017 et l'augmentation des paiements électroniques est plus rapide que l’augmentation du nombre de titulaires de comptes.6

52 % des adultes, soit 76 % des titulaires de compte ont effectué/reçu au moins un paiement électronique au cours des 12 derniers mois (44 % des adultes dans les économies en développement) et la couverture de la téléphonie mobile et de l'internet est significative (sondage mondial Gallup 2017 basé sur Findex) : dans les pays à revenu élevé, 93 % des adultes ont un téléphone portable, 82 % un accès à l'internet et un téléphone mobile. À titre de comparaison, dans les pays en développement, 79 % des adultes ont un téléphone portable et 40 % ont accès à l'internet et à un téléphone portable.7

Les nouvelles technologies permettent de surmonter certains des anciens problèmes et de développer de nouveaux modèles commerciaux. Par exemple, l'utilisation des téléphones mobiles rend la distance et les coûts pour atteindre un segment cible dispersé géographiquement avec un faible volume de transactions par client non seulement faisables mais aussi très rentables. L'utilisation de "mécanismes alternatifs de notation du crédit" et de "sources d'information non traditionnelles" (par exemple, les données stockées sur les téléphones mobiles) pour évaluer les risques, complétée par de nouvelles technologies qui permettent un stockage et un traitement des données relativement bon marché, aide à résoudre l'asymétrie de l’information et les problèmes de garantie généralement associés aux groupes de clients pour lesquels des données fiables sont limitées ou inexistantes.

À mesure que les nouvelles technologies se développent, de nouveaux modèles commerciaux se développent.

En voici quelques exemples:

  • le financement Peer to Peer (P2P), c'est-à-dire le financement d’emprunts entre particuliers (ou petites entreprises) sans recourir à une IF officielle comme intermédiaire ; généralement, un service en ligne met en relation les prêteurs et les emprunteurs potentiels
  • le crowdfunding ou financement participatif, c'est-à-dire que de petits montants d’investissements sont collectés auprès d'un grand nombre de personnes et utilisés pour financer une (nouvelle) entreprise commerciale en utilisant des réseaux de personnes/sites web pour réunir le prêteur et l'emprunteur (investisseur et entrepreneur)
  • Blockchain, c'est-à-dire une technologie de stockage qui permet l'utilisation d'une base de données dans laquelle les transactions (dans certains cas relatives à la crypto-monnaie) sont enregistrées historiquement et publiquement
  • Smart contracts ou contrats intelligents : il s'agit de contrats auto-exécutés, dans lesquels les termes de l'accord entre l'acheteur et le vendeur sont directement inscrits dans des lignes de code ; le code et les accords qu'il contient sont disponibles sur un réseau de blockchain décentralisé ; les transactions sont traçables, transparentes et irréversibles
  • Plates-formes de commerce électronique : c'est-à-dire une plate-forme permettant d'effectuer/de gérer des transactions commerciales en ligne.

Les nouvelles technologies et les nouveaux modèles commerciaux comme panacée?

Les nouvelles technologies et les nouveaux modèles commerciaux jouent un rôle important dans l'amélioration de l'inclusion financière. Mais, jusqu'à présent, la plupart des modèles de prêts appelés fintech ou technologie financière se sont avérés adaptés à des montants assez faibles seulement, c'est-à-dire au crédit à la consommation et aux très petites entreprises (micro), mais pas aux montants plus importants et à la catégorie supérieure du segment des PME. En outre, dans la pratique, tous les modèles ne se sont pas avérés aussi durablement efficaces que prévu et ont entraîné un nombre élevé d'arriérés/un effet négatif sur l'historique de crédit des particuliers ou des entreprises emprunteurs, etc. (par exemple en Afrique). Un certain nombre de plateformes ont également fait faillite (par exemple en Chine), c'est-à-dire qu'elles ont cessé d'exister en raison d'une mauvaise gestion, de pratiques frauduleuses ou de piratage, par exemple dans le cas des plateformes ou des blockchain. Mais le plus important est que de nombreuses offres ne répondent pas aux besoins réels des particuliers et, surtout, à ceux des petites entreprises. En effet, les offres de produits standardisés signifient souvent que les montants sont soit trop petits, soit trop grands pour correspondre réellement aux besoins de l'entreprise ou que les échéances sont trop courtes ou trop longues, etc.

Qu'en est-il des PME?

Les PME ont besoin de montants comparativement plus importants que les particuliers ou les TPEs. Cela modifie en soi le profil de risque et a des conséquences sur les conditions auxquelles les prestataires de services financiers seraient disposés à fournir un financement. Souvent, les PME ont besoin de produits plus personnalisés que les particuliers ou les TPE, de sorte qu'une approche et une offre de produits totalement standardisées ne correspondent pas aux besoins réels des PME. Dans le même temps, de nombreuses PME partagent toujours avec les TPE des caractéristiques communes en matière de transparence, de fiabilité de la documentation, d'actifs documentés et de garanties disponibles. Cela a une fois de plus des implications sur le profil de risque et la technologie qui peut être la mieux adaptée pour évaluer la solvabilité des PME candidates. Les profils des PME ont tendance à être diverses, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas aussi homogènes que le segment des micro entreprises et TPEs. Par conséquent, les technologies qui peuvent être appliquées avec succès aux particuliers ou aux TPE ne fonctionnent souvent pas pour les PME. Et cela semble être vrai pour un grand nombre de nouvelles technologies et de nouveaux modèles commerciaux.

Jusqu'à présent, le prêt basé sur les flux de trésorerie, c'est-à-dire le prêt aux PME basé sur la "connaissance du client", comprenant les flux de trésorerie réels, les actifs réels, les bénéfices, l'historique et les plans d’affaire d'une entreprise semble être le modèle le plus solide et le plus durable - même s'il n'est pas le moins cher ni le plus facile à mettre en œuvre. Et les nouvelles technologies peuvent très certainement contribuer à rendre cette approche plus attrayante pour les IF. Les nouvelles technologies peuvent contribuer à réduire les coûts liés à la recherche, au stockage et au traitement des données, par exemple. Elles peuvent également permettre de réduire les coûts liés au service client et à une prise de contacts plus large avec les clients PME.

Toutefois, certaines questions fondamentales ne disparaissent pas simplement en offrant des services électroniques ou en employant de nouveaux modèles commerciaux. Il s'agit notamment des problèmes liés au manque de connaissances financières et de savoir-faire financier des particuliers et des PME, des questions non résolues de protection des consommateurs, d'autres lacunes juridiques et réglementaires, du manque de savoir-faire des IF dans l'évaluation des PME et dans l'offre de financements adaptés à leurs besoins, ainsi que du manque de disponibilité de financements à long terme, surtout en monnaie locale, pour pouvoir offrir aux PME des financements (d'investissement) sur mesure. C’est donc à ce moment là qu'interviennent les gouvernements, les institutions financières internationales (IFI) et d'autres organisations internationales.

Le rôle des gouvernements, des IFI et d'autres organisations

Il existe des conditions et des exigences qui doivent être remplies pour améliorer le développement des micros, petites et moyennes entreprises (MPME) en principe. Il s'agit notamment de créer un environnement dans lequel les nouvelles technologies et les nouveaux modèles commerciaux peuvent également fonctionner de manière durable et efficace tout en améliorant l'inclusion financière réelle.

Il appartient aux décideurs politiques et aux législateurs de créer l'environnement nécessaire. En premier lieu, les exigences et les conditions nécessaires pour renforcer l'inclusion financière comprennent:

  • Une réglementation qui permet de recourir à des financements alternatifs mais qui garantit la protection des consommateurs et la stabilité financière
  • Bureaux de crédit fonctionnels/infrastructures pour améliorer la collecte d’informations et soutenir l'évaluation des risques de crédit/stocker les informations sur les antécédents de crédit/ rendre les antécédents de crédit disponibles
  • Soutien des pouvoirs publics : mécanismes publics (idéalement public-privé) de partage des risques, par exemple systèmes de garantie, fonds d'investissement public-privé, campagnes d'éducation financière, etc.

Les IFI et d'autres organisations peuvent jouer un rôle important en aidant les gouvernements à créer l'environnement nécessaire pour améliorer l'inclusion financière des particuliers et des MPME en:

  • Soutenant les décideurs politiques et les gouvernements dans la création de l'environnement réglementaire et des mécanismes de partage des risques nécessaires
  • Établissant des normes pour la gestion des performances sociales
  • Soutenant la mise en place de bureaux de crédit/infrastructures d'information fonctionnels
  • Soutenant les initiatives visant à améliorer l’éducation financière

En outre, les IFI en particulier, peuvent jouer un rôle crucial dans l'amélioration de l'accès au financement des PME en mettant à leur disposition des financements à long terme (idéalement en monnaie locale) et une assistance technique pour améliorer le savoir-faire des institutions sur la manière d'adapter les services aux besoins des PME.

Le programme régional pour les petites entreprises (RSBP) en Asie centrale dans le cadre du renforcement de l'inclusion financière

Le programme RSBP a été spécifiquement créé pour améliorer le savoir-faire des IF sur la manière de servir les MPME et pour encourager l'utilisation des moyens numériques (nouvelles technologies) dans la communication et la formation. Plus spécifiquement, le RSBP offre (quelques) formations en salle de classe et un accès à des informations et des formations en ligne aux IF d'Asie centrale et de Tunisie, dans le but d'améliorer la façon dont les IF travaillent avec les petites entreprises. En mettant l'accent sur le développement de la plateforme de partage et d'échange de connaissances et en encourageant l'utilisation de cette plateforme, le RSBP contribue également à la transition des IF en Asie centrale et en Tunisie vers l’utilisation des nouvelles technologies.

De cette manière, le programme RSBP contribue à améliorer l’inclusion financière des PME tout en contribuant à l’adoption de nouvelles technologies par les secteurs financiers en Asie centrale et en Tunisie.

 

[1] https://www.worldbank.org/en/topic/financialinclusion

[2] https://www.un.org/sustainabledevelopment/sustainable-development-goals/ The United Nations Sustainable Development Goals

[3] https://globalfindex.worldbank.org/

[4] https://www.gpfi.org/sites/default/files/documents/GPFI%20Report%20Alternative%20Data%20Transforming%20SME%20Finance.pdf

[5] GNI p.c. stands for Gross National Income per capita

[6] https://globalfindex.worldbank.org/

[7] https://news.gallup.com/opinion/gallup/235151/mobile-tech-spurs-financial-inclusion-developing-nations.aspx