Auteur : RSBP
Date de publication: 29-04-2021

Le calcul des ratios financiers est l'un des outils utilisés dans l'analyse des demandeurs de prêts aux entreprises. L'utilisation d'indicateurs et de ratios financiers supplémentaires devient particulièrement pertinente lorsque la part des prêts à problèmes dans une institution financière augmente et que les pertes deviennent perceptibles.

Ce document se concentre sur les ratios financiers utilisés en cas de créances douteuses et/ou de tendances négatives significatives détectées dans une entreprise. Ces ratios sont utiles pour évaluer les risques et prendre des décisions opportunes.

Nous présentons également une étude de cas avec des exemples pour le calcul et l'analyse des ratios financiers.

 

e document se concentre sur l'analyse des ratios financiers qui peuvent être utilisés en cas de prêts en souffrance et/ou d'emprunteurs dont l'entreprise présente des tendances susceptibles de compromettre le remboursement d'un prêt. Ces ratios servent à évaluer les risques et prendre des décisions rapides à l'égard des emprunteurs si nécessaire.

Ces ratios et indicateurs financiers sont particulièrement utiles lorsque le portefeuille à risque (PAR) d'une institution financière (IF) s'accroît et que les pertes économiques des clients deviennent perceptibles.

Les ratios financiers sont un outil important dans l'analyse des entreprises[1]. En plus des ratios de base utilisés pour l'analyse, en cas de prêts en souffrance, nous vous recommandons les indicateurs suivants :

 

  • seuil de rentabilité /point d’équilibre ;
  • liquidité disponible ;
  • marge de sécurité des stocks (ratio de stabilité financière compte tenu des stocks) ;
  • Niveau des capitaux propres par rapport à la dette (ratio des capitaux propres sur l'exposition totale au crédit)

Le seuil de rentabilité (SDR)


Le SDR indique le volume minimal de ventes qui permet à une entreprise d'atteindre l’équilibre, c'est-à-dire de fonctionner sans pertes ni profits (avec un bénéfice nul). Il existe plusieurs formules utilisées pour calculer le SDR, mais la plus couramment utilisée dans l'analyse des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) est la suivante :

CF - total des coûts fixes ou quasi-fixes (coûts réels de la période de référence)

DF - dépenses familiales

I - total des intérêts courus (sur tous les prêts aux entreprises)

V -revenus des ventes

CV - coûts variables

 

 

Le SDR est utilisé pour l'analyse de l'évolution des ventes et indique le volume de ventes qu'un client doit maintenir pour faire face à ses engagements (à l'exclusion des remboursements du capital du prêt) sans affecter ses capitaux propres.

Étant donné que les flux de trésorerie de l’entreprise et du foyer familial sont souvent difficiles à séparer (surtout pour les microentreprises) et que l’activité commerciale de l’entreprise est souvent la principale, voire l’unique source de financement, il est conseillé d'inclure les dépenses familiales dans le calcul du SDR pour le segment des MPME.

Soyez prudent dans vos calculs car le SDR peut varier en fonction des conditions d'exploitation de l'entreprise. Par exemple si la production augmente ou de nouveaux points de vente sont ouverts, les frais généraux augmenteront également : des locaux supplémentaires entraîneront une hausse du loyer, l'embauche de personnel supplémentaire se traduira par une augmentation des coûts salariaux, etc. La croissance de l'entreprise entraînera donc inévitablement une augmentation du seuil de rentabilité.

Si les conditions d’exploitation restent inchangées mais que le seuil de rentabilité augmente, cela peut refléter une détérioration de la situation financière de l’entreprise.

Le SDR peut également se révéler être un outil d’analyse utile lorsqu’il est comparé à d'autres indicateurs financiers. Par exemple, lors d’une analyse d'évolution des ventes, le SDR peut servir à calculer la rentabilité sur les différentes périodes de l’analyse.

Liquidité disponible

L’affaiblissement d’une entreprise affecte principalement ses niveaux de liquidité. Afin de maintenir son volume de ventes, une entreprise peut augmenter sa part de ventes en accordant des paiements différés, augmentant ainsi ses créances clients. De ce fait, l’entreprise enregistre donc un bénéfice, mais n’a pas de liquidités pour rembourser ses dettes.

Les liquidités disponibles à la date du bilan permettent de déterminer la capacité d'une entreprise à rembourser ses prêts en temps voulu. La liquidité disponible peut être déterminée en établissant un tableau des flux de trésorerie, mais également à l’aide de la formule suivante :

 

L - liquidité

LDP – liquidité en début de période

TRF - total des rentrées de fonds pour la période

ARF - autres entrées de fonds

A - achats effectués et payés au cours de la période analysée

TCF - total des coûts fixes

TRP - versement total sur tous les prêts, y compris les prêts à la consommation

DF - dépenses familiales

 

Cet indicateur mesure la liquidité d'une entreprise disponible immédiatement. Il peut également être utilisé pour les projections de liquidité pour les mois à venir, ce qui est particulièrement utile pour les entreprises présentant une saisonnalité importante.

Marge de sécurité des stocks (MSS)

Il n'est pas rare qu'une entreprise maintienne des niveaux de liquidité acceptables et honore ses engagements existants tout en ayant des résultats financiers réels négatifs. Pour honorer ses dettes, une entreprise peut choisir de vendre ses actifs fixes ou d'exploitation (le plus souvent ses stocks). La diminution des investissements dans les stocks va entrainer la baisse du volume des stocks et ainsi affecter non seulement le résultat financier mais aussi la viabilité de l'entreprise. Une réduction inconsidérée des stocks peut entraîner la fermeture de l'entreprise et, par conséquent, mettre en péril le remboursement du prêt.

Il est donc important de calculer la marge de sécurité des stocks pour analyser la santé d’entreprises. Ce ratio indique le nombre de mois pendant lesquels un client peut couvrir ses besoins de liquidités en utilisant uniquement les stocks existants (et que ses conditions d’exploitation demeurent inchangées).

 

MSS - marge de sécurité des stocks d’inventaire

BN - bénéfice net de la période (mois)

RPe – Remboursement pour tous les prêts aux entreprises

 

Cet indicateur doit être comparé au nombre de mois jusqu’à l’échéance du prêt. Si le nombre de mois est supérieur à la MSS alors il faut agir rapidement (sur le renouvellement du prêt, le remboursement anticipé du prêt avec le produit de la vente des actifs de l'entreprise, etc.).

Toutefois, il convient de garder à l'esprit que dans la plupart des cas, une diminution des stocks entraîne une baisse du volume des ventes et, par conséquent, un résultat financier plus faible ainsi qu'une marge de sécurité des stocks moins importante.

Ratio capitaux propres/dette 

Il s’agit du total des capitaux propres par rapport au capital restant dû des prêts en cours.

Les entreprises ont tendance à diversifier leurs sources de financement et, surtout si l'activité est en baisse, elles tenteront d'utiliser toutes les sources disponibles en vue de faire face aux échéances, de constituer des stocks dans l'espoir de générer davantage de ventes, etc. Il n'est pas rare non plus que les emprunteurs aient plusieurs crédits en cours, et le segment des petites entreprises ne fait pas exception.

Le ratio capitaux propres/dette aide les agents de crédit à évaluer le degré de dépendance des clients à l'égard du financement externe et indique le rapport entre les capitaux propres totaux des propriétaires (dans l'entreprise et au-delà de l'entreprise) et le capital total du(des) prêt(s) en cours, y compris les prêts à la consommation.

 

CP/D – ratio capitaux propres / dettes

CPe - capitaux propres de l'entreprise

CPp - capital propre au-delà de l'entreprise (privé)

EPe - encours du principal de tous les prêts aux entreprises

EPp - encours du principal de tous les prêts privés

 

Pour les MPME, le minimum recommandé pour ce ratio est de 1. Il est important de rappeler que - surtout pour les micro-entreprises et les très petites entreprises - le montant des dettes ne doit pas dépasser la part du(des) propriétaire(s) dans l'entreprise.  Si le montant de tous les prêts en cours est supérieur au total des capitaux propres de l'emprunteur, le risque pour une institution financière est très élevé.

Données nécessaires

Pour le calcul des ratios ci-dessus, il faut obtenir au moins les données suivantes de l'emprunteur :

  • Le montant des ventes du dernier mois (immédiat et avec paiement différé) ;
  • des modifications de la politique des prix (marge commerciale, rentabilité de la production) ;
  • Le montant des rentrées de fonds au cours du dernier mois ;
  • le montant des achats effectués au cours du dernier mois (paiement immédiat et différé) ;
  • Les frais fixes ou quasi fixes (salaires, impôts, loyers, frais de transport, etc.) ;
  • Les dépenses familiales (y compris les changements de revenus des autres membres de la famille) ;
  • La somme de tous les remboursements en cours (sur les prêts aux entreprises et aux consommateurs) de tous les établissements financiers, sous réserve de modifications éventuelles[2] ;
  • Liquidité ;
  • Les inventaires disponibles ;
  • Les actifs immobilisés ;
  • Les créances clients à recevoir et les comptes fournisseurs et autres à payer avec les délais de remboursement respectifs ;
  • L'encours des prêts d'autres institutions financières
  • Étude de cas :

Pour le calcul du SDR, nous utilisons le montant moyen des ventes des trois derniers mois soit : ((400 000+250 000+325 000)/3) = 325 000 et la moyenne des coûts variables, soit ((307 692+192 308+250 000)/3) = 250 000

Calcul du seuil de rentabilité

Ainsi, pour que l'entreprise atteigne le seuil de rentabilité, son volume de ventes minimum doit être de 260 000 euros. Si l'on compare ce chiffre aux ventes réelles de la cliente, on constate que le résultat de novembre était négatif.

En outre, le non-respect du calendrier de remboursement indique des problèmes de liquidité dans l'entreprise.

Calcul de la liquidité estimée

Le bénéfice net mensuel moyen des trois derniers mois est de 15 000 (BN=325 000-250 0000-40 000-20 000). Le montant de ce bénéfice ne peut pas couvrir la tranche de prêt en cours. La cliente doit avoir remboursé le prêt au détriment de l'inventaire qui diminue progressivement. Cette hypothèse est confirmée par les soldes d'inventaire décroissants.

 

Marge de sécurité des stocks

L'entrepreneuse pourra maintenir la liquidité de son entreprise au détriment du volume actuel des stocks pendant 20 mois, à condition que la situation de l'entreprise ne change pas. Étant donné qu'il ne reste que 10 mois avant l'échéance du prêt, elle devrait être en mesure de gérer ce risque de crédit et l'entreprise devrait pouvoir poursuivre ses activités.

Calcul du rapport entre les capitaux propres et la dette

Le capital total (capital entreprise + capital privé) est 1,56 fois supérieur au total du passif. Ce ratio se situe dans la norme acceptable (c'est-à-dire >1).

Conclusion de l’étude de cas

La cliente n'a pas respecté le calendrier de remboursement en raison de la détérioration générale de la situation financière et économique de l'entreprise, ce qui est confirmé par l’analyse. Les ratios ont aidé à déterminer la gravité de cette détérioration et ont montré que la cliente devrait être en mesure de gérer la charge actuelle du prêt et de maintenir son entreprise en activité. Cependant, la cliente a certains problèmes de liquidité, c'est pourquoi nous pouvons recommander de revoir son échéancier et, plus précisément de diviser le versement du prêt en deux (ou trois). Cela l’aidera à raccourcir la période d'accumulation des liquidités.

Une autre option possible serait de trouver une date plus appropriée pour le remboursement, en consultation avec la cliente, en déplaçant l’échéance à une date où il n'y a pas d'autres paiements. De plus, un suivi régulier devrait être effectué pour prévenir un éventuel défaut de paiement en cas de détérioration des conditions de l'entreprise.

Conclusion :

Les ratios financiers décrits ici, ainsi que d'autres outils financiers utilisés dans l'analyse des entreprises, permettent d'identifier les problèmes et les difficultés des entreprises. Ainsi cela permet de réagir rapidement à toute variation de la situation de l'entreprise et de prendre les mesures appropriées pour éviter un défaut de paiements et des crédits en souffrance.

 

[1] Pour plus d'informations sur les ratios financiers, veuillez consulter une leçon en ligne sur la plate-forme de partage et d'échange de connaissances du RSBP www.rsbp-tn.org

[2] Il est encore mieux d'inclure toutes les autres obligations, si elles sont disponibles, y compris celles auprès de sources informelles même s’il n'est pas toujours possible d'obtenir ces informations. En outre, les remboursements sont davantage négociables dans le cadre d'un financement informel

[3] Voir ci-dessus